Le monde des lettres est vaste et les disciplines variées. On va donc aujourd’hui parler de la différence entre l’écriture, la calligraphie, la typographie et le dessin de lettres. Car toutes ces disciplines forment un écosystème complexe qui s’enrichit mutuellement et s’influence.
J’ai encore récemment entendu quelqu’un me demander quelle typographie j’utilise pour la calligraphie… c’est une erreur courante de vocabulaire, car je n’utilise pas de typographie pour mon travail de calligraphie. J’en utilise dans mon travail de graphiste en revanche. L’usage, l’objectif ne sont pas les mêmes.
Fondamentalement ils font tous partis de la même grande thématique.
Alors c’est quoi les différences finalement ?
L’écriture
L’écriture, c’est le fondement de la communication écrite.
C’est notre outil quotidien pour parler, avec un stylo ou même un clavier. Son rôle principal, c’est de transmettre notre pensée et de délivrer un message très direct. Alors il peut prendre plusieurs formes, mais le principe, c’est de coucher une pensée sur un support, comme si votre cerveau parlait directement à vos mains.
L’écriture c’est aussi bien Virginia Woolf qui griffonne dans son journal intime que le journaliste qui prend ses notes sur son calepin ou sa tablette, c’est aussi votre collègue qui note une info sur un post-it.
Elle a un rôle de transmission aussi bien pratique qu’imparfaite : et c’est pour ça que les médecins utilisent aujourd’hui un ordinateur pour les ordonnances !
La typographie
Ça tombe bien les ordinateurs, on va en parler aussi. Mais on va d’abord faire un retour en arrière avec les machines d’imprimerie. Quand on a commencé à diffuser son savoir de manière plus pragmatique et plus large en créant des livres qui n’étaient plus fait entièrement à la main, il a fallu inventer un autre système pour utiliser nos alphabets. Gutemberg ça vous dit quelque chose ? On dit souvent qu’il a ‘inventé l’imprimerie’. Mais plus précisément, il a inventé les caractères mobiles en métal. Et grâce à ça, au lieu de faire des lignes de texte à la plume, on peut constituer des pages entières qu’on va reproduire en nombre.
Et c’est ça la typographie, c’est l’ensemble des techniques qui permettent de reproduire un texte par impression en assemblant des caractères mobiles : en mot, en phrase, en paragraphes. Et là l’objectif est clair : tout le monde doit pouvoir lire avec clarté le texte. Les caractères sont dessinés, normés, assemblés, et doivent pouvoir interagir entre eux aussi bien en grand qu’en petit.
Le rôle du typographe à la fois de mettre en page, de normer des textes et de concevoir des ensembles de lettres lisibles et efficaces qu’on appelle des polices de caractères.
La typographie, c’est la discipline, la police de caractère, c’est l’outil qu’on utilise.
La Calligraphie
Mais alors vous allez me dire, et la calligraphie alors ? c’est de l’écriture ! Et bien oui, mais pas que.
Le terme de calligraphie (Kallos-Graphein, l’art de bien écrire) n’a été utilisé pour la 1ère fois qu’au 16ème siècle. On avait besoin alors de formaliser une discipline. Jusque là, on parlait d’écriture, souvent réservé à un groupe minime d’érudits. Comme on était dans un système privilégié on lui met de l’or on la met en valeur. Et oui soyons bien clair le moine copiste n’écrivait pas des post-it à son collègue avec son calame et son encre. Toutefois ici l’objectif était bien de transmettre une pensée, mais on prend soin de montrer que c’est un art visuel à maîtriser.
Plus le temps passe plus cet art prend de l’importance et les systèmes d’écritures changent en fonction de l’époque, des styles, des besoins politiques ou techniques.
On voit alors apparaître des codifications, une approche plus académique, des variations esthétiques, des maîtres calligraphes. Leur objectif ? Vous en mettre plein la vue ! Parfois même le texte passe après la forme, dans des styles où la forme joue sur le lisible illisible. On fait danser les lettres sur le papier, on veut les rendre vivantes et pleines d’énergie. Et pour ça on va utiliser des supports et des outils variés pour créer des traces expressives sur le papier.
Le Lettering
A mi-chemin entre tout ça fin XIXème vous voyez apparaître ce qu’on appelle le Lettering ou Dessin de lettres. La discipline trouve ses origines dans le travail des peintres en lettres aux Etats-unis : on va créer beaucoup d’écriteaux, d’enseignes, de devantures de commerce en les traçant au pinceau. Mais si c’est une trace à la main alors c’est de la calligraphie non ? Et bien oui… mais pas que.
Finalement le lettering va utiliser tout ce qui lui est utile : écriture, typographie, calligraphie… Parce que le lettreur c’est en fait un illustrateur de lettres. Il va aller piocher chez les autres ce dont il a besoin pour créer un environnement qui colle avec ce qu’il souhaite illustrer. Et il ne va pas s’encombrer de principes : il utilisera le dessin de lettres, comme le typographe, la trace comme le calligraphe, le message comme celui qui écrit. Il va créer des messages en déformant les polices, en jouant avec les formes.
Depuis quelques années les lettreurs sont une tendance qui prend de l’essor. Son outil pourra tout aussi bien être un crayon, qu’une plume, ou qu’un stylet. Parce que si au départ le lettering était un peu une réaction à l’omniprésence des ordinateurs. Aujourd’hui il s’en sert pour s’exprimer en créant des illustrations numériques, voire même en utilisant les IA.
Le Lettering, c’est la discipline caméléon !
Un enrichissement mutuel
Ces disciplines s’enrichissent mutuellement de manière continue.
Par exemple, la typographie numérique moderne s’inspire souvent des formes calligraphiques pour créer des polices plus organiques et expressives. De même, les calligraphes contemporains intègrent parfois des éléments de design typographique dans leurs œuvres. Le lettering, quant à lui, joue un rôle de pont entre ces disciplines. Il combine la créativité de la calligraphie avec la précision de la typographie, tout en apportant sa propre dimension artistique.
Cette interaction constante entre les disciplines pousse les créateurs à innover et à repousser les limites de leur art. On a hâte de voir quelles seront les nouveautés dans les prochaines années !
Ainsi, l’écriture, la typographie, la calligraphie et le lettering forment un continuum créatif, chacun apportant sa pierre à l’édifice de notre culture visuelle et écrite. De l’invention de l’écriture en Mésopotamie aux polices de caractères numériques d’aujourd’hui, ces arts continuent de façonner la manière dont nous communiquons et nous exprimons visuellement.
Céline Foissey, Kahlie. Graphiste et Calligraphe sur Nantes.